C’est sous la neige que s’est déroulée ma dernière semaine de
stage dans le département Jungle. Je ne sais pas si c’était fait exprès de la
part de l’équipe mais c’est la seule semaine où l’on ne m’a pas demandé d’accompagner
le groupe qui allait au parc. Si c’est le cas, voilà une délicate attention
pour la petite sudiste :D
Ce fut une semaine intéressante car j’en ai profité pour
poser toutes mes petites questions de stagiaire. J’ai également pu assister à
beaucoup plus d’activités initiées par ma tutrice (qui était absente la semaine
passée).
Mardi matin, par exemple, elle a demandé à un petit groupe d’enfants
de trouver des idées pour faire sortir la colère sans faire mal aux copains.
Toutes les propositions ont été inscrites sur une affiche. Parmi elles, il y
avait :
-
Crier mais si possible dans une autre pièce pour
ne pas embêter les autres
-
Lancer / frapper un coussin
-
Faire ou demander un câlin/bisou
-
En parler
-
Déchirer du papier
Ma
tutrice leur demandait « Et toi, tu
as une idée pour faire sortir la colère quand tu es fâché ? ». Ce
à quoi Théo, 4 ans a répondu naturellement : « Non passque j’suis tout gentil ! » : )
Pour finir, elle les a invités à se dessiner quand ils sont
fâchés et ces dessins ont rejoint l’affiche, tous deux accrochés dans la salle
de samling (= rassemblement).
J’ai profité de mes derniers jours dans ce département pour
prendre quelques photos afin que vous sachiez à quoi ressemblent les locaux:
"Big room": zone construction, coin exposition des expériences, maison de poupée, ...
Egalement quelques photos des sorties:
Lors de ma régulation avec ma tutrice Vendredi, nous avons discuté
de toutes ces choses qui m‘ont posé questions et que j’avais abordées ici.
- Les enfants seuls dans une pièce : elle m’a
révélé qu’avant, on ne laissait jamais un seul enfant se rendre seul dans une
pièce (que ce soit les toilettes ou une autre salle) mais que cela a changé
suite à la visite de l’inspectrice. Depuis on laisse les enfants évoluer
tranquillement, on peut même les laisser en petit groupe dans une pièce sans
adulte, seulement la porte ouverte car on estime ici qu’ils ont besoin de
liberté, de se retrouver qu’entre eux sans l'adulte sur leur dos, …
- - Le « non », oui ou non ? Elle m’a
expliqué qu’au sein de ce département cela dépendait surtout des
professionnelles. Elle-même, dit « non » lorsqu’elle le juge nécessaire,
mais les membres suédoises de l’équipe vont plus souvent avoir tendance à
accepter la requête de l’enfant. L’une m’avait dit « on n’a pas le droit de leur dire non » concernant l’utilisation
de feuilles cartonnées de couleurs et cela s’explique tout simplement dans ce
contexte, car l’on va considérer qu’il faut laisser libre cours à l’imagination
et la créativité de l’enfant. En même temps, ma tutrice estime qu’il est
important de leur enseigner des valeurs telles que le respect du matériel, et
qu’il est bon d’éviter le « gaspillage ». En général, elle demande à
l’enfant ce qu’il compte faire avec ce papier avant de décider, tandis qu’une
de ses collègues pourrait simplement le lui donner.
- - L'enfant Roi? Je lui ai ensuite fais part de mes premières
impressions concernant les enfants, celles-ci ayant un peu évoluées. Cela lui a
rappelé sa propre arrivée ici 8 ans plus tôt, car elle s’était fait les mêmes
réflexions. Au premier abord, j’avais été choquée par l’attitude des enfants
car ils semblaient porter très peu d’attention à l’adulte et à ce qu’il pouvait
bien dire. Leur façon de demander quelque chose ressemblant plus à un ordre qu’à
autre chose, et ce peu importe leur âge (3 ou 6 ans). J’avais souvent l’impression
de parler dans le vide et je m’en sentais extrêmement perturbée ! Mais
comme elle me l’a dit, cette première impression s’estompe, car les enfants
eux-mêmes apprennent à nous connaitre (et vice versa) et, comme si ils venaient
de nous accorder leur confiance, ils viennent nous parler et font beaucoup plus
attention à ce que l’on peut dire, ils semblent plus intéressés. Ce qui est
amusant, c’est que j’ai remarqué la même chose chez les adultes. Peut-être
est-ce culturel ? Peut-être qu’il s’agit tout simplement de leur façon d’aborder
l’Autre, l’étranger ?
- Le lait: On m’a demandé d’expliquer pourquoi la structure ne sert
plus de lait lors des repas dès que j’aurais eu la réponse : il faut
savoir qu’en Suède la plupart des magasins d'alimentation ne vendent pas de lait pasteurisé
(je n’achète le mien qu’à Lidl pour être sure, n’étant pas habituée et étant
fragile de l’estomac je ne préfère pas tenter), certains suédois consomment
même du lait cailler que l’on trouve en vente comme les autres briques de lait.
Le lait non pasteurisé doit être consommé très rapidement et conservé au frais,
ainsi pour une structure d’accueil de jeunes enfants cela devient très
compliqué si l’on ne peut le conserver plus de 5 jours, cela nécessite d’en
acheter trop régulièrement. En même temps, mes colocataires et certaines
personnes de la crèche m’ont expliqué qu’une bonne partie de la population souffre
d’une intolérance au lactose. Quelques années plus tôt une petite fille a fait
une réaction et a dû être conduite à l’hôpital d’urgence. Depuis le lait en
tant que boisson n’est plus servi.
- - Elle m’a confié que pour elle, la plus dure partie de son
travail est la pression venant des parents. Par exemple, en ce
moment l’équipe éprouve de grandes difficultés à équilibrer les groupes car
certains parents veulent que leur enfant ne soit qu’avec des enfants de leur
âge (ce qui est difficile lorsqu’il s’agit d’un département accueillant des
enfants de 3 à 6 ans) ou alors d’autres exigent que leur enfant ne fasse partie
que d’un groupe encadré par une francophone. Les enfants qui fêtent leurs 6 ans
en ce moment sont en âge de passer des tests d’entrée dans certaines écoles,
telles que le lycée français qui n’accepte que des enfants qui savent parfaitement
lire en français. Or l’apprentissage de la lecture ne relève pas du rôle des
crèches. Ainsi, un père vient chercher sa fille tous les jours à 14h45 pour lui
faire faire une séance de lecture pendant 2 ou 3 heures.
Ce temps de régulation s’est ensuite transformé en réunion
informelle avec la directrice. La discussion a dérivé sur la vie des familles
suédoises.
Elles ont abordé le fait qu’au sein des familles les rôles
sont inversés, ce sont les enfants qui décident du déroulement de la journée,
de l’organisation du coucher, etc … Bien sur, je doute que cela concerne toutes
les familles, mais d’après elles et leurs expériences auprès de nombreuses
familles depuis des années, c’est très souvent le cas. La directrice me
racontait par exemple que des parents avaient confiés dormir séparément, chacun
avec un des enfants qui refusent de dormir dans leur lit.
Autre chose, qui m’a tout de même un peu secouée, il est clairement
dit dans la loi qu’il est interdit d’exercer une quelconque violence physique
ou psychologique sur un enfant. Les services sociaux sont saisis au moindre
soupçon ! La directrice et ma tutrice m’ont alors raconté qu’il y a
quelques années, les parents d’une petite fille accueillie dans la crèche se
sont confiés aux professionnelles et devant les autres parents (lors de l’accueil
du matin), ils ont expliqué qu’après une
grosse colère de l’enfant, l’un d’entre eux lui a donné une fessée (ce qui est strictement interdit). Ils ont été dénoncés aux services sociaux par un autre
parent et ont quitté la structure.
Ainsi j’ai appris que de nombreux parents français ont fait
part à la directrice de leur peur d’hausser ne serait-ce qu’un peu la voix sur
leur enfant dans la rue. En Suède, les familles vivent donc avec la peur du
regard des autres et surtout la peur d’être dénoncés. J’ai trouvé cela très
violent ! Même si je pense évidemment que la fessée n’est pas une solution.
N’hésitez pas à donner votre avis sur la question en commentaires.
Après cette discussion, j’ai pu assister à une réunion entre
ma tutrice et les parents de Lola (celle qui m’a surnommée Pippi Langstrump –
Fifi Brindacier). Depuis quatre semaines elle multipliait les demandes auprès
de parents mais aucun ne souhaitaient ma présence. Ce que je comprenais tout à
fait ! Ma tutrice leur a lu et commenté le document rempli par elle-même
qui fait état de la vie de leur fille au sein de la crèche, de ses évolutions,
ses capacités, ses affinités, etc … C’est un moment pendant lequel les parents
peuvent poser toutes sortes de questions, demander conseils et même se confier
sur un problème en particulier. Le début de l’entretien s’est fait en français,
ma tutrice traduisant le document suédois pour moi, puis, une fois que le père
(Italien) est arrivé, il s’est poursuivi en anglais. Lola comprend et parle
aisément les quatre langues : anglais, français, suédois et italien. Les
parents ont voulu savoir en quelle langue elle joue le plus et il s’agit du
français, ce qui signifie que c’est la langue qu’elle considère comme « maternelle ».
Il s’agissait donc de ma dernière semaine chez Jungle. J’étais
censée commencer dans le département Savannah dès demain mais comme je fais une
pause dans le stage de deux semaines à partir de la semaine prochaine, la directrice
et moi avons pensé qu’il était dommage de couper ainsi 4 semaines de stage dans
ce département. J’irai donc dans le département Forest, le département
anglophone dans lequel je n’étais censée aller que lors des deux dernières
semaines de stage SI je me sentais à l’aise avec l’anglais. Beaucoup d’enfants
et de personnels de ce département sont venus passés quelques matinées chez
Jungle lorsque j’y étais, je les ai donc déjà rencontrés et cela s’est assez
bien passé pour que je puisse y aller cette semaine. Je vous raconterai ça dans
mon prochain article.
Petite info pour l’anecdote : je vais changer de
colocataires à mon retour en avril. Ce ne sera donc plus une colocation entre
originaires d’Aix-en-Provence mais entre stagiaires EJE. En effet, j’ai tout de
suite pensé aux futures stagiaires de la crèche qui arrivent à la fin de cette
semaine et n’avaient pas encore trouvé de logement. Voila :)
Pour clore cet article, quelques photos pour l’anecdote …
Les suédois se sont montrés trop pressés de fêter le printemps, la neige en a décider autrement ^^
On fait de drôles de rencontres dans le Tunnel-bana (métro)!
A très bientôt !
Encore un article très bien écrit!
RépondreSupprimerJe pensais pas que les suédois étaient à ce point vigilant sur les punitions qu'on peut donner à un enfant. Au contraire, je pensais qu'ils donnaient une éducation plutôt strict à leurs enfants (vu qu'on dit toujours que les gens sont plus "droit" dans les pays nordique) alors que ca à l'air d'être totalement l'inverse!
Merci!!
RépondreSupprimerAh ça se tient mais moi au contraire je pensais bien qu'ils faisaient super attention à cela mais je ne m'étais pas imaginé qu'il pouvait en résulter une ambiance si pesante!
En réalité les pays nordiques paraissent "droits" car rien n'est plus important pour eux que les valeurs telles que le respect, l'égalité et la tolérance. Ils les apprennent dés le plus jeune âge en théorie. Et en raison de ces valeurs, il est interdit de faire subir toute violence psychologique ou physique à un individu, même (et surtout) les enfants.
Il y aurait tellement de choses à dire et à débattre! Merci pour toutes ces infos, votre article est encore une fois très riche.
RépondreSupprimerPar contre, je reste sur ma faim concernant le projet initial qui vous avait amenée à aller en Suède... qu'en est-il alors de la question du genre? Il ne me semble pas que vous ayez développé cette question plus que ça... est-ce que vous le percevez au quotidien? ou n'est-ce pas aussi important que cela? Nous aurons l'occasion d'en discuter à votre retour mais ce serait intéressant que vous fassiez un point dessus pour votre prochain article.. non? Merci Cérina pour ce partage! A bientôt,
Nathalie C. de l'IRTS ;)